21 mars 2022
Depuis les années 90, de nombreuses recherches ont mis en avant des définitions de la compétence. Notre association académique de l’AGRH a fortement contribué a précisé les contours de la compétence. Depuis peu, France Compétences a retenu une définition, somme toute, en cohérence avec nos approches académiques. La définition à retenir est donc la suivante : « la compétence peut être envisagée comme la mobilisation de manière pertinente des ressources d’un individu (par exemple : savoirs, savoir-faire techniques, savoir-faire relationnel) et de celles de son environnement dans des situations diverses pour exercer une activité en fonction d’objectifs à finalité professionnelle ». Il y a donc émergence de la notion de compétence professionnelle.
La loi du 5 septembre 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel, dite loi « Pénicaud » permet en effet de renforcer ce que nous préférons appeler « l’Orientation Compétences ». Au regard des transformations globales de l’ensemble de l’écosystème du monde du travail et du business, cette « Orientation Compétences » est un véritable changement de paradigme qui conduit les établissements de formation d’engager une vraie réflexion sur leur projet de transformation en intégrant une vision prospective sur l’évolution des métiers et des compétences de demain. C’est le premier pilier. Le second pilier a trait au développement d’une approche expérientielle, tant pour les équipes pédagogiques et administratives que pour les étudiants (en formation initiale, en alternance, ou en continue) Dans une logique de symétrie des attentions, « l’Orientation Compétences » vise un développement des compétences des équipes et des étudiants. Il convient donc de penser une stratégie RH de l’ensemble des équipes et de le sensibiliser aux évolutions de leurs métiers au regard de ce changement de paradigme. Il convient également de repenser le parcours de l’étudiant comme nous allons le préciser dans le point suivant.
L’accompagnement de l’étudiant se trouve ainsi enrichi en amont, par une meilleure orientation et évaluation de ses compétences à l’entrée. Il s’agit ensuite de l’accompagner dans son développement des compétences via une fiche RNCP rédigée en blocs de compétences, une maquetté écrite en MAC (Modules d’Acquisition de Compétences), la mise en place d’un passeport de compétences., etc. Toutes ces innovations reposent sur une nouvelle dynamique des équipes pédagogiques et administratives afin de ne plus être sur la délivrance de savoirs et le contrôle des connaissances mais sur le développement de son employabilité et l’évaluation de ses compétences. Ensuite, « l’Orientation Compétences » vise également un accompagnement des étudiants tout au long de la vie et donc de proposer des programmes évolutifs, multi-modalités avec des possibilités de « piqûres de rappel », d’actualisation permanente. La diversité des offres reposera de plus en plus, tant sur des diplômes, que sur des MOOC, des micro-crédentials, des badges numériques, etc. Le suivi des « data », le traçage des compétences, les innovations pédagogiques incitera de plus en plus à multiplier les outils numériques les plus innovants.
Un certain nombre de textes structurants tant au niveau du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation depuis 2014 que de France Compétences depuis peu, ont incité les établissements et les différentes instances en charge de l’évaluation des établissements et des formations. Le travail est en marche, des progrès sont encore attendus pour viser un déploiement généralisé mais de belles expérimentations sont déjà à noter et démontrent, s’il en était besoin, de la faisabilité et de la pertinence de ce changement de paradigme. Les démarches du réseau des IAE (Ecoles Universitaires de Management) et de la CEFDG (Commission d’Evaluation des Formations et Diplômes de Gestion) sont en particulier à souligner. Le réseau des IAE ) et le groupe de travail sur les compétences est sollicité comme expert pour la rédaction des fiches RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) en blocs de compétences et la CEFDG s’est approprié tous les « ingrédients » de « l’Orientation Compétences » dans l’évaluation des programmes visés Bac+3 ou Bac+5 et les grades de Licence et de Master.
L’enjeu est simple : le développement de l’employabilité des étudiants dans un monde de plus en plus concurrentiel.
L’Orientation Compétences permet de répondre aux attendus des textes et du marché. Il convient de plus en plus de « parler Compétences » et de déployer une « grammaire Compétences ». L’Enseignement Supérieur se trouve ainsi au cœur du parcours de développement des compétences des étudiants, c’est une belle opportunité pour nous de transformer nos stratégies et nos métiers !
Aline Scouarnec est Docteur en Sciences de Gestion, habilitée à diriger des recherches, puis Professeur Agrégé des Universités. Elle est rattachée au laboratoire du NIMEC et Responsable du master RH FA à l’IAE de Caen et Co-Rédacteur en chef de la revue Management & Avenir, revue spécialisée dans l’évolution du management. Son domaine d’expertise est la Prospective des Métiers, des compétences et plus globalement du travail. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages collectifs et d’une cinquantaine de publications à visée prospective et a notamment rédigé l’ouvrage La Prospective des Métiers en collaboration avec Luc Boyer, publié aux Éditions EMS (Editions Management Société), en 2009. Elle a piloté le référentiel prospectif des compétences «Management & Gestion des Affaires», disponible sous forme d’EBook : «Référentiel AUNEGe-FNEGE» et anime le groupe de travail sur l’Orientation Compétences pour le réseau des IAE et le ministère de l’Enseignement Supérieur, de la recherche et de l’Innovation.